jeudi 14 décembre 2006

Enfant! Fais ce qu'il te plaît! Suite des aventures de Solo.

On peut lire le début de ces aventures dans "archives" du 7 décembre.



Cette injonction, attendue, n’a d’autre objet que d’effacer le premier échec par un appel au fonctionnement institutionnel: prévenir les parents par la sollicitation de l’objet prévu à cet effet qui, en l'occurrence, se révèle particulièrement inadapté. Je suis, en effet en train d’agir avec Solo comme je le ferais avec Jean-Cristophe, élève dont les parents suivent attentivement la scolarité... Las, les parents de Solo méconnaissent vraisemblablement l’existence d’un carnet de correspondance comme ils ignorent que l’école ne suffit pas à tout. Ils sont persuadés, au contraire, que confiant leur fils à une institution si élaborée, si luxueuse, qui mobilise tant de moyens, ils ne peuvent que s’effacer eux-mêmes, comme pour ne pas gêner.
- J’l’ai pas...
Ceci murmuré au moment où il se redresse imperceptiblement mais suffisamment pour qu’il me soit donné de saisir, sous la visière, une lueur narquoise. Evidemment! Va-t-on, alors que l’on a décidé d’affronter le Pouvoir, tendre ainsi ses poignets aux premières escarmouches?
A ce point, plusieurs éventualités sont offertes à ma perspicacité:
- Nous n’allons pas continuer à perdre du temps, nous avons à travailler, tu ne m’intéresses pas , je ne veux pas t’entendre! C’est compris?
Solo s’étale sur sa chaise comme s’étale sur son visage un large sourire, paresseusement provocateur. Il sollicite aux quatre coins regards et commentaires ébahis, cette reconnaissance du monde dont il a tant besoin, comme chacun. Mais alors tout peut se produire et la fureur m’emporter jusqu’à la violence irrépressible, tout, ou rien, l’abandon, la capitulation , la démission.
A moins que je ne sois un homme dont la corpulence avantageuse dicte le geste et que, saisissant la casquette, je la pose sur la table. Solo ébauche alors un redressement vif qui se fige cependant quand je me penche non moins vivement vers lui. Il s’insurge encore faiblement, puis capitule. Ou non. Il fait face et, à nouveau, tout peut se produire, jusqu’au pire.
Ou encore, fréquemment:
- Tu ne veux pas enlever ta casquette? Tu prends tes affaires et tu sors! Leila (la déléguée) t’accompagne en permanence. Ravi, Solo est ravi, il n’en espérait pas moins. Il va retrouver son ami Mamadou qui lui aussi s’est débrouillé pour «aller en perm». Là, ils concluront le « business » entamé à la porte du collège ou reprendront leur inépuisable conversation, ou examineront à loisir la nouvelle surveillante qu’ils trouvent fort séduisante. La démission, à cet instant prend un caractère collectif puisque Solo sera autorisé, de fait, à ne rien faire.
Mais il se peut aussi que la détermination de l’élève rende les choses moins simples:
- Non, je ne sortirai pas! Pourquoi je sortirais? Pourquoi j’enlèverais ma casquette? Qui ça gène? Ca n’empêche pas de faire cours... Je m’habille comme je veux... Oui, je la porte chez moi... Oui, je dors avec, et alors?... Tout devient confus, inextricable... Appel aux autorités, Conseillère d’éducation, Principal s’il le faut et, au bout de la procédure, Solo sera exclu trois jours, comme d’habitude, trois jours pendant lesquels ses copains raconteront son exploit, pendant lesquels il viendra, lui, à la porte du collège recueillir les lauriers d’une si belle victoire et raffermir son aura d’irréductible.
A ce point, nous sommes loin encore d’avoir épuisé toutes les variations possibles sur le thème. Mais, précisément, quel est le thème? Celui de l’Autorité, il va de soi, à moins qu’il ne soit celui de la Discipline, de la manière, en tout cas, de contraindre au respect des règles de la vie collective. Ne semble-t-il pas alors qu’un élément essentiel de la réalité ait été négligé?
Apprendre! L’école n’est-elle pas le lieu où chaque événement doit être, devrait être, une occasion d’apprentissage?
Voyons alors la situation dans cette perspective et dans sa circonstance la plus critique, non sans avoir noté cependant que tout professeur qui sera parvenu par un travail d’ordre pédagogique patient autant qu’opiniâtre à se forger une « réputation » n’aura que fort rarement à souffrir ce genre d'éruptions
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La suite bientôt...

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